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5 mars 2021

ANEF Provence – MECS Esquineto

Un magnifique texte écrit à plusieurs mains par les travailleurs sociaux de la MECS Esquineto (habilitée pour l’accueil de 90 enfants au sein de ses cinq services : Accueil Saint Vincent, Unité Ados, SAFA, SAVA et PAD) qui se sont réunis pour évoquer l’impact du COVID sur leurs pratiques.

Un texte plein de justesse, d’analyse et d’émotion qui méritait à notre sens d’être partagé.

Nous vous souhaitons une bonne lecture !

Cette année 2020 a été une année si singulière. Partout, on n’a cessé de nous parler de COVID et de nous dire que cela signifiait COrona VIrus Disease, nous au sein de la MECS Esquineto nous avons décidé que cela signifiait : Cohésion Originalité Vitalité Intervention Découverte :  

COHESION car la solidarité a été de mise : les enfants ont compris que les rencontres avec leurs parents allaient être suspendues, puis soumises à des protocoles sanitaires stricts, parce que les parents ont entendu le besoin de protection de et pour tous, car les personnels ont tous répondu présents et ceux des autres services se sont portés volontaires en cas de besoin, parce qu’il nous a fallu accueillir des jeunes d’autres structures pendant le confinement.  
 
ORIGINALITE
 car il nous a été nécessaire d’être créatifs tant pour rassurer les jeunes que pour leur permettre de supporter l’enfermement, l’angoisse, le changement mais aussi et surtout la rupture physique avec leurs parents, leurs amis, leurs repères. Comment rassurer quand la main tendue devient une menace ?  

 VITALITE car malgré l’inquiétude, les questionnements et les doutes, jamais il n’a fallu se laisser aller, venir au « travail », aller à « l’école », ne pas pouvoir profiter du soleil… Rester enfermé seul ou en groupe a nécessité de ne jamais se laisser abattre. Si les corps ont pu être mis à rude épreuve, les mots ont toujours rassuré, contenu, soutenu, bref donné force et vitalité. 

 INTERVENTION car que ce soit pendant le confinement ou après, il nous a fallu réinventer nos modalités d’intervention : devenir professeur des écoles, coach sportif, chef cuisinier, animateur, projectionniste, photographe… Mais aussi découvrir l’entretien éducatif par téléphone, les réunions en visio, être en relation à travers un masque, refuser le contact parfois si rassurant pour un petit… 

DECOUVERTE car chacun a dû se retrouver face à lui, a su puiser au fond de lui, mettre en lumière ses compétences, rencontrer l’autre autrement. Découvrir la vie en confinement, ne pas céder à l’ivresse du déconfinement puis rentrer avant le couvre-feu. Découvrir que pour vivre sereinement, il allait falloir se masquer.  

Bref, nous avons vécu dans une bulle protectrice, puis nous avons redécouvert notre monde – même si au début après quelques semaines, nous avons eu un sentiment de perte à la sortie du cocon -, différemment avec un masque et des gestes barrières, nous ne retiendrons que les capacités d’adaptation des jeunes accompagnés et de leurs familles qui tous nous ont montré des compétences parfois insoupçonnées.  

La solidarité nous a porté tout au long de cette année. Si elle a été moteur de nombreuses fois, elle a pu être complexe à gérer lorsqu’il a fallu « rapatrier » des malades au sein des unités. En effet, comment rassurer les enfants, les parents quant au fait d’être en lien direct avec la maladie alors que, depuis des semaines, le cocon a été protecteur car il était imperméable ? Comment ne pas se culpabiliser de rajouter du travail aux collègues des autres unités ? Comment ne pas avoir le sentiment d’être un « gardien de prison » quand on enferme un jeune dans une pièce en lui déposant son plateau devant la porte et de ne lui parler qu’à distance ?  

Au niveau des travailleurs sociaux, cette année si singulière nous a fait prendre conscience de la « toute puissance » dans laquelle on est parfois malgré nous, l’importance de ne plus répondre à l’ « urgence », la nécessité de prendre du recul sur les pratiques et de réinventer la relation éducative. Il nous a néanmoins fallu rester vigilants, apprendre à « décrocher » non pas le téléphone mais faire la coupure pour protéger notre espace personnel car le travail a pu envahir nos lieux de vie. La peur de perdre le lien, de passer à côté nous a souvent conduit à surinvestir le lien téléphonique. Finalement, le lien tient avant tout à la parole et ça aucun geste barrière, aucune distanciation sociale ne pourrait l’ébranler.  

Et enfin et surtout, nous retiendrons de cette année que nos jeunes ont fait preuve d’adaptabilité, de créativité, de compréhension, de positivisme… Cette année les a fait grandir, murir, eux aussi ont pris soin des adultes « et vous ça va ? ». Tous les superhéros portent un masque, les vrais héros de la MECS Esquineto ce sont eux.